Le domaine & la Famille

Ce beau sein rond est une colline

Peut-on évoquer Manosque sans Giono ? De cette ville où il naquit et mourut, il fit le berceau de ses romans. A sa naissance, les terres du Château Saint Jean étaient déjà plantées de vignes greffées, après le désastreux épisode du phylloxera. Mais dans le pays, les vignobles étaient encore épars, peu travaillés, et amandiers et oliviers semblaient des cultures bien plus importantes.

« Ce beau sein rond est une colline ; sa vieille terre ne porte que des vergers sombres », écrit Giono dans Manosque-des-Plateaux, évoquant son enfance à l’orée du XXe siècle.

Pourtant, tout concourt à penser que la vigne et le travail du vin sont immémoriaux, dans le pays manosquin, lieu de passage obligé vers l’Italie. Au Moyen Age, déjà, nous savons que des vignes sont plantées dans les contreforts des Alpes jusqu’à plus de 1000 mètres d’altitude. Il est évident que l’art de la vigne, importé en France par les Romains, est présent ici depuis les premiers temps chrétiens.

 

Saint Jean Lez Durance

Une histoire familiale

Jusqu’au XIXe siècle, le travail de la vigne et la vinification se font de manière empirique. Le vin n’est qu’exceptionnellement bon, mais il est attesté dans tous les documents de droit et de justice. Le Bas-Alpin aime le vin, prouvent de nombreux proverbes et chansons populaires de langue provençale. L’abbé Féraud peut ainsi écrire dans son Histoire de Manosque publiée en 1848 que pour le Manosquin, « le vin, est de tous ses plaisirs et de toutes ses affaires. » Il note toutefois à l’époque que « les vignobles, dont la plaine est maintenant complantée comme les coteaux, sont estimés par la quantité de vin qu’ils donnent bien plus que la qualité », estimant que « si on apportait plus de soin à sa fabrication, le vin de Manosque pourrait le disputer, en valeur intrinsèque, à celui de bien d’autres pays. »

Il faudra encore quelques décennies, mais après des efforts pour enrichir la terre et y apporter l’eau, le vin sera bon, et même très bon. Giono lui-même confessera une « faiblesse » pour celui du Domaine Saint Jean, le plus ancien de la région.

Château Saint Jean 4

Histoire du domaine Saint Jean et de la famille d’Herbès

Du cep à la bouteille

C’est dans cette histoire que s’inscrit celle du domaine Saint-Jean-Lez-Durance. Sis à l’est de la ville sur la rive droite de la Durance, il doit sans doute son nom à la présence des Chevaliers de Malte. Propriété de la famille d’Herbès depuis 1754, ce n’est qu’un 1880 que la ferme fut transformée en domaine viticole. Depuis lors, cinq générations se sont succédé pour travailler la vigne, jusqu’à Jean-Guillaume et sa femme Constance, qui ont obtenu la certification Bio en 2016, et travaillent leur vigne selon les techniques de la biodynamie.

De par sa situation géographique, au carrefour des voies menant vers Nice et l’Italie à l’Est, le Vaucluse à l’Ouest, le Dauphiné au Nord, et Marseille et les Bouches-du-Rhône au Sud, Manosque avait toutes les raisons d’être une grande cité commerciale. Elle aurait également pu développer une agriculture longtemps jugée pauvre, à condition d’être dotée de canaux d’irrigation.

Le projet d’un canal arrosant la plaine de Manosque naît au tout début du 16e siècle, et François Ier donne le droit à la communauté manosquine de dévier une partie des eaux du Largue pour les conduire sur son territoire. Un premier pas aurait pu être fait au siècle suivant en introduisant les eaux de la Durance et du Lauzon dans le canal du Largue. Mais ce privilège fut contesté à la ville de Manosque, criblée de dettes. Après divers échecs, ce n’est qu’en 1832 que le percement du canal de la Brillanne fut voté. Parmi les six sociétaires du canal de la Brillanne se trouvent Joseph, Victor et Hyppolite d’Herbès. Ce canal, qui arrose les plaines de Villeneuve, Volx et Manosque, puis de Corbières et Sainte-Tulle, permet bientôt de doubler les produits et la richesse agricoles.

 

Histoire du domaine Saint Jean et de la famille d’Herbès

Du cep à la bouteille

Parmi ces richesses, la vigne n’est pas des moindres. Si toute l’histoire de Manosque est jalonnée par celle du vin, le premier domaine viticole, celui du Château Saint Jean, qui est aujourd’hui le seul à posséder des vignes sur le territoire manosquin, prit réellement son essor après l’édification de ce canal et la transformation du domaine par Henri d’Herbès en 1880. Etendu sur 33 hectares à Manosque et Pierrevert, il profite des riches terroirs de coteaux argilo-calcaires ou de safre, de terrasses de graves ou de limons, et d’un très bel ensoleillement, pour produire une grande diversité de vins rosé, rouge et blanc.

Jean d’Herbès, petit-fils d’Henri, œuvra largement au développement du domaine familial et à la création de l’Appellation Coteaux de Pierrevert Vins de Qualité Supérieure (V.D.Q.S.), avant que ceux-ci n’obtiennent le label A.O.C (Appellation d’Origine Contrôlée). Son petit-fils Jean-Guillaume fait entrer le domaine dans une nouvelle histoire, en cultivant ses vignes selon les principes de la biodynamie.

Château Saint Jean 9